Quelques points essentiels du Zen

Ayant ses racines en Asie, de nombreux éléments du Zen peuvent être déroutants pour les Occidentaux, donnant l'impression que la pratique n'est pas pertinente pour leur vie. Le but de cette section est de fournir une courte orientation pour des personnes non familiarisées avec la pratique, mais intéressées à en apprendre plus à ce sujet. Pour l'aspect historique sur la fondation du Zen voir "les fondateurs du Zen".

Zazen

Le cœur de la pratique du Zen est la motivation de s’asseoir en méditation (Japonais: zazen) avec persévérance et de faire ses meilleurs efforts pour maintenir son attention. Zazen décrit la méthode pour cette méditation. Zazen dès le réveil - à la lumière du petit matin, avant la première tasse de café, avant de s'engager dans l'agitation de la vie quotidienne - donne un sens à la naissance d’un nouveau jour.

Toutefois, lorsque les responsabilités de la famille, le travail ou la nécessité de se déplacer chaque jour sur une longue distance ne permet pas le zazen tôt le matin, s’asseoir dans la soirée ou à un autre moment pendant la journée est parfaitement acceptable.

Lorsque cela est possible, s’asseoir avec les autres dans un endroit dédié à la pratique de la méditation apporte un sentiment de connexion. Mais si un tel centre n'est pas facilement disponible, s’assoir par soi-même est encouragé.

Parfois on peut pratiquer zazen de manière plus intensive pendant des périodes allant d'un jour à plusieurs semaines appelées "sesshin".

Lâcher prise

Malgré nos meilleurs efforts l'esprit ne peut pas mettre complètement un terme aux distractions mentales ou émotionnelles par la seule volonté; pensées, souvenirs et idées créatives apparaitront en permanence pendant la méditation. Donc l'accent principal de zazen n'est pas d'essayer de couper l'activité de l'esprit, mais plutôt de ramener notre attention sur le présent chaque fois que nous reconnaissons que nous sommes distraits. Il ne s'agit pas d'être préoccupé par la distraction, mais plutôt de « lâcher prise » en douceur du souvenir passionnant, perturbant, ou distrayant, du fantasme ou des idées qui ont surgi spontanément.

Intimité attentive

En même temps que l'esprit augmente sa capacité à revenir au présent lors de zazen, il améliore sa capacité à être attentif lors des activités de la vie quotidienne - au travail, à la maison, sur l'autoroute ou au marché. Nous devenons plus intimes, moins distants avec les choses et les uns avec les autres. Les problèmes sont résolus plus facilement, avec moins d'anxiété, et les relations avec les autres deviennent plus faciles.

Répondre à l'inconfort

En plus de souvenirs du passé et d’imaginations du futur les distractions incluent la reconnaissance des émotions et des sentiments négatifs qui apparaissent spontanément à la conscience. Dans les premiers jours de sa pratique, ces activités mentales apparaissent plus fréquemment et plus clairement car l'esprit s’assouplit et abandonne son instinct de se défendre contre les parties de lui-même qu'il n'aime pas ou qui lui rappellent la douleur inconsciente qu’il porte peut-être avec lui. Dans un premier temps, notre réaction est de blâmer zazen pour cette création d'inconfort, sans se rendre compte que la tendance à se souvenir a toujours été présente même si faiblement. Finalement nous réalisons que zazen nous fait une faveur en mettant en lumière les activités de l'esprit afin que nous ayons la possibilité de comprendre et d'apprendre à y répondre de façon créative, plutôt que d'être submergés par leur apparition soudaine. Au fil du temps, la fréquence et la netteté de ces distractions diminuent à mesure que l'esprit se comprend mieux et s’admet tel qu’il est.

Relation à la thérapie

La pratique de la méditation peut être thérapeutique, mais la pratique Zen en elle-même n'est pas une thérapie, même si les deux sont concernées par le soulagement de la souffrance en reconnaissant et en faisant face en toute honnêteté à l'activité de l'esprit. La pratique n'est pas d'analyser les difficultés émotionnelles ou d'enquêter sur leurs sources. Au contraire, elle favorise la reconnaissance et l'acceptation de tout sentiment qui peut apparaître et de le laisser passer en retournant son attention sur le présent. Autrement dit l'esprit se donne la permission d'avoir un sentiment négatif en reconnaissant: « C'est juste quelque chose qui se passe en ce moment ». L’étau émotionnel se desserre ce qui conduit à soulager l'anxiété.

Cela ne signifie pas que le zen décourage la thérapie dans les situations graves où une souffrance profonde et sans relâche, avec une forte incidence sur la capacité d'un individu à fonctionner et à trouver un sens à la vie, appelle à l'identification et l'exploration de ses sources.

Sans but

Le Zen Soto décourage de s'engager dans zazen dans le but de gagner l'illumination - une vision, un éclair de sagesse qui révèle toute la Vérité en un instant, qui met un point final à tous ses problèmes personnels. Un tel exercice est contraire à l'intérêt de l'individu, car s'efforcer d'atteindre quelque chose pour soi-même, même l'épanouissement spirituel, est en réalité juste un désir de plus qui va ajouter à sa souffrance. Plus précisément, l'illumination est déjà inhérente à chacun d’entre nous, plutôt que quelque chose en dehors de notre moi ordinaire qui doit être poursuivie et atteinte. Au contraire, elle doit être exprimée et réalisée par la pratique de zazen. Tel est le fondement de la compréhension du bouddhisme.

Exprimer sa vraie nature

L’activité tranquille de Zazen exprime notre vrai soi, ce qui permet l'expérience que chacun de nous est infiniment plus qu'une créature éphémère de chair, de sensations et d’émotions, avide de gratifications à plein de niveaux. La compréhension vivante de la Réalité des phénomènes du monde - Réalité qui existe au delà des apparences – génère une confiance qui n’est pas limitée par notre fragilité humaine et notre mortalité. Cette compréhension spirituelle est plus profonde que l'assurance due au succès dans les affaires du monde, plus vaste que les sentiments agréables liés à la réputation, à être admiré, aux belles paroles qu'on dit de nous. Tout cela peut disparaître alors que la confiance basée sur la connaissance de notre moi véritable ne peut jamais être perdue. Avec la maturité de la pratique l'esprit apprend à reconnaître le monde comme un tout cohérent et intemporel, plutôt que comme une série d'activités et expériences personnelles isolées, motivées par désirs et espoirs.

Rituels de travail et de cérémonie

Avec le temps les activités ordinaires sont vues sous un jour nouveau, non seulement comme tâches routinières, mais comme rituels calmes, expression de quelque chose de plus grand et universel. Le travail, généralement envisagé comme ennuyeux et nécessaire est adopté avec enthousiasme plutôt que évité. Cette attitude est succinctement exprimée dans cet adage bien connu:

Activité merveilleuse:
Tirer de l'eau et couper du bois.

Donc en plus de zazen les temples et les monastères Zen mettent l’accent sur faire soigneusement attention à des tâches simples comme balayer le sol, nettoyer les toilettes, faire la cuisine et la vaisselle.

Les cérémonies rituelles continuent à jouer un rôle important dans la pratique d’étudiants sérieux du Zen. L'orientation des rituels Zen n'est pas une forme de culte à une divinité extérieure. Plutôt chanter, se prosterner et prendre ses repas ensemble d'une manière soigneusement orchestrée sont considérés comme des extensions actives de la pratique de l’assise attentive, poursuivant l'attitude de « non-ego ». Comme le souligne un pratiquant Zen:

Quand on se livre à des rituels, sa conscience change...... Les rituels agissent au travers des sens pour cultiver la sagesse dans les os .....Les rituels peuvent nous aider à sentir notre connexion par notre corps.

Prendre soin

La pratique du Zen réunit autodiscipline et détermination avec générosité, patience et une attitude bienveillante envers les autres.

Zazen, le travail et les cérémonies sont compris comme l'expression de la véritable nature inhérente à toutes choses. Poursuivis en pleine conscience, ils diminuent l'accent sur les questions personnelles et encouragent à leur place abnégation et préoccupation pour le bien-être des autres. Ces activités améliorent la concentration de l'individu, la discipline et l’attitude de «prendre soin». Ce respect - exprimer l'illumination inhérente en étant attentif à tout ce que nous faisons en ce moment - devient la base pour le sentiment de bien-être que nous recherchons.

L'importance de «prendre soin» des activités ordinaires plutôt que de les prendre « en passant » est illustrée par l'histoire suivante:

Deux moines sont en pèlerinage suivant la tradition de voyager de temple en temple, visiter et étudier avec des maîtres célèbres afin d'élargir leur pratique et leur compréhension. Marchant à côté d'un ruisseau, ils s’approchent d’un monastère réputé. Une feuille de légumes apparaît, descendant le ruisseau. Les moines s’arrêtent; consternés ils se préparent à faire demi-tour et revenir sur leurs pas. Soudain, un moine sort d'une porte latérale, courant vers le ruisseau avec une longue perche. Il s'arrête au bord de l'eau pour récupérer la feuille buissonnière. Les deux moines sourient et reprennent rapidement leur voyage vers le temple.

Aucun dogme

L'adhésion à un système de croyance philosophique ne fait pas partie de la pratique. Dans le même temps on ne décourage pas l'élève Zen de lire des textes philosophiques ou religieux ou de s'engager dans sa foi traditionnelle et d’aller à l'église, au temple ou à la synagogue de son choix. Ce qui est découragé est un esprit fermé et une vision étroite de la vie. Suzuki-roshi l’a exprimé ainsi:

« J'ai découvert qu'il est nécessaire, absolument nécessaire, de croire en rien. C'est à dire, nous devons croire en quelque chose qui n'a pas de forme ou de couleur - quelque chose qui existe avant que toutes les formes et les couleurs apparaissent. C'est un point très important. Quelque soit le dieu ou la doctrine auxquels vous croyez, si vous vous attachez à eux, votre croyance sera basée plus ou moins sur une idée centrée sur votre moi ».

Subtilité

Zen met l'accent sur la compréhension de la véritable nature de tous les phénomènes conditionnés du monde dans lequel nous vivons, et principalement de nous-mêmes. On commence habituellement par l'étude des divers enseignements sur l’éphémère, l'impermanence et le « non-soi», et sur la façon dont l'esprit humain fonctionne pour créer le désir et sa propre souffrance. La réflexion sur ces idées aide l'esprit à apprécier une perspective nouvelle au delà des apparences ou du « sens commun ». Toutefois, étant limitées à l'intellect, les idées ne suffisent pas à obtenir une compréhension profonde. Celle-ci n’apparait que lorsque notre propre sagesse subtile s'exprime.

Donner à l'esprit une chance d'être calme permet la sagesse d’apparaître. C'est la voie expérientielle qui permet à l'esprit agité de sentir sa qualité de base au-delà du bruit du monde de tous les jours. C'est la manière subtile de voir le monde, y compris le soi et les autres. Sans cette subtilité, les choses du monde nous semblent être intrinsèquement soit « attrayantes » ou « pas attrayantes ». Cette distinction mentale arbitraire à son tour crée le désir ou la répulsion. Connu dans le bouddhisme comme la dualité, elle est la source de confusion et d'anxiété. En revanche l’attention calme génère une intuition de la non-distinction – ce qui n’est pas excitant dans le sens de tous les jours, mais subtilement révélateur et joyeux.

Les maîtres

En commençant par le Bouddha et ses disciples, le maître et la communauté sont restés des caractéristiques essentielles du bouddhisme. Dans le Zen, le maître est considéré comme celui qui nourrit la pratique, qui apporte la tradition jusqu’à ce jour, maintenant la connexion avec tous les maîtres anciens jusqu’au Bouddha lui-même. Le maître guide et encourage les autres, sans s'appuyer sur la prédication ou la mise en garde, mais en donnant l'exemple. Il ou elle est toujours dans la salle de méditation (Jap: zendo) pour les séances de zazen. Grâce à la sagesse de sa propre étude et expérience, il / elle guide les autres dans leur pratique, au travers de conférences, entretiens personnels et engagement social. Avec optimisme et une attitude positive le maître est un modèle de comportement éthique et d’empathie, les caractéristiques du bouddhisme depuis ses débuts.

La plupart des maîtres Zen en Occident ont eu quelques années de formation monastique. Toutefois, contrairement aux pays d'Asie, un bon nombre - peut-être la moitié - ont travaillé ou continuent de travailler dans le monde quotidien et mènent une vie plus ou moins laïque. Leurs expériences apportent la pertinence du « monde réel » à la pratique, leur permettant de répondre à la question souvent posée: « Comment puis-je apporter ma pratique spirituelle dans ma vie quotidienne? ».

La Communauté Zen

Comme dans la communauté d'origine de Bouddha (Jap: Sangha) ceux qui pratiquent le Zen apportent encouragement et soutien les uns aux autres en pratiquant ensemble, que ce soit pendant zazen, au travail, pendant la cérémonie, les activités sociales informelles, ou en prenant soin des affaires administratives. En nourrissant l'amitié et la confiance, la communauté bouddhiste donne une idée de sanctuaire pour ses membres. Sangha est peut-être le concept le plus important dans la vision du monde bouddhiste et du Zen, car il représente la connexion universelle de toutes choses, leur unité intrinsèque.