Effort assidu

Shunryu Suzuki    11 décembre 1965 après-midi

La plupart d’entre vous sont des débutants, donc il peut être assez difficile pour vous de comprendre pourquoi nous pratiquons zazen ou la méditation de cette façon. Nous disons toujours « juste s’asseoir ». Et si vous le faites, vous vous apercevrez que pratiquer le Zen - juste s’asseoir- n’est pas facile. Juste s’asseoir est peut-être la chose la plus difficile. Faire quelque chose n’est pas difficile ; comment ne rien faire est assez difficile. Quand nous avons l’idée d’un « moi » nous voulons une raison pour laquelle nous faisons quelque chose. Mais si vous n’avez pas l’idée d’un moi vous pouvez rester silencieux et calme que vous fassiez quelque chose ou pas. Vous ne perdrez pas votre calme. Donc restez silencieux et calme est une sorte de test. SI vous pouvez le faire cela signifie que vous n’avez pas d’idée de moi. Si votre vie est fondée sur l’idée habituelle de moi, ce que vous ferez ne sera pas véritablement réussi. Il y aura d’un côté du succès, mais d’un autre vous creusez votre propre tombe. Donc faire un effort ou un travail sans l’idée de moi est un point très, très important. C’est plus important que de prendre une bonne décision. Une décision, même bonne, basée sur une idée à sens unique du moi créera des difficultés pour vous et pour les autres.

Donc pour des étudiants du Zen travailler sur quelque chose ou aider d’autres personnes revient à faire avec notre seul esprit. Notre effort est concentré sur nous-mêmes. C’est l’activité de notre essence de l’esprit d’après le 6ème patriarche. Il a dit que dans le domaine de notre esprit essentiel nous ne faisons rien en dehors de l’esprit. Tout ce que nous faisons est l’activité de notre esprit essentiel qui n’est pas dualiste. Par esprit essentiel il veut dire l’esprit vaste et non notre esprit égoïste. Bien sûr il y a une activité dualiste mais elle prend place à l’intérieur de l’esprit vaste. Cette sorte d’activité avec un esprit focalisé est différente de l’activité ordinaire dualiste.

Quand vous faites zazen vous aurez bien sûr des douleurs physiques dans vos jambes et mentalement quelques difficultés. Vous trouverez difficile de vous concentrer sur votre respiration. L’une après l’autre des images viendront dans votre esprit. Ou bien votre esprit s’en ira faire un tour. J’ai beaucoup de difficultés dans ma pratique, donc je pense que vous aussi trouverez difficile de bien s’asseoir en zazen.

Toutes les difficultés que vous avez en zazen ne doivent pas se trouver en dehors de votre esprit. Vos efforts doivent être gardés dans votre esprit. Autrement dit, vous devez accepter la difficulté comme n’étant rien d’autre que ce que vous êtes. Vous ne devez pas essayer de tenter un effort particulier basé sur votre petit esprit tel que « ma pratique devrait être meilleure ». Vous dites ma pratique, mais zazen n’est pas votre pratique mais la pratique de Bouddha. Votre effort est fondé sur l’esprit vaste qui ne peut pas sortir de lui-même. Si votre petit moi commence à agir sans le support de l’esprit vaste, ce n’est pas le Zen. L’esprit vaste doit prendre bien soin de tout ce que vous faites. Notre pratique doit être fondée sur l’esprit vaste ou l’esprit originel de recherche de la voie qui travaille continument sans s’arrêter.

Le secret de la pratique est aussi vrai dans l’observation des préceptes Bouddhistes. L’idée dualiste d’observer ou de ne pas observer les préceptes vient dans votre esprit quand vous pratiquez le Zen. Il n’y a pas de préceptes à enfreindre et personne qui viole les préceptes. Vous décider à faire votre meilleur effort pour observer constamment les préceptes, éternellement, que votre effort soit complet ou pas, est l’effort de Bouddha, de l’esprit de Bouddha. Mais si vous vous placez en dehors des préceptes ou de l’esprit de Bouddha, alors il n’y a pas assez de temps pour les observer complètement. Si votre activité est impliquée dans l’activité de Bouddha, quoique vous fassiez est l’effort de Bouddha. Même s’il n’est pas parfait vous manifestez la compassion et l’activité de Bouddha.

Dogen-zenji s’éveilla quand il entendit son maître frapper un disciple assis à côté de Dogen en lui disant : « Que faites-vous ? Vous avez à faire un dur effort. Que faites-vous ? ». Cet effort est le Zen.

L’effort est de respecter les préceptes. Si nous faisons notre meilleur effort à chaque moment avec confiance, c’est l’éveil. Quand vous vous demandez si votre voie est parfaite ou non, il y a une idée insidieuse du moi. Quand vous faites de votre mieux pour observer les préceptes, pour pratiquer le Zen dans l’esprit vaste, alors il y a éveil. Il n’y a pas de voie spéciale pour atteindre l’éveil. L’éveil ne correspond pas à une certaine étape. L’éveil est partout. Où que vous soyez, l’éveil est là. Chaque fois que vous faites votre meilleur effort, l’éveil suit. C’est très important pour notre pratique du Zen et notre vie quotidienne. Nous devons faire notre effort aussi bien dans la vie quotidienne que dans notre pratique du Zen.

Pour avoir cette sorte de pratique dans la vie quotidienne vous voulez votre ami, votre maitre, vous voulez nos préceptes. Une forme est nécessaire car il n’est pas possible de se concentrer de manière floue. Il doit y avoir des règles strictes à suivre. A cause de ces règles, de la façon de s’asseoir, de la façon de pratiquer, il est possible d’être concentré. C’est la même chose dans votre vie quotidienne. Sans but ou objectif vous ne pouvez pas organiser votre vie.

Mon maître Kishizawa-roshi disait que nous devons avoir un vœu ou objectif pour accomplir quoique ce soit. L’objectif peut ne pas être parfait dans le sens strict, mais même ainsi il nous est nécessaire de l’avoir. C’est comme les préceptes. Bien qu’il soit presque impossible de les respecter, nous devons les avoir. Sans un objectif dans notre vie et les préceptes nous ne pouvons pas être de bons Bouddhistes, nous ne pouvons pas actualiser notre voie.

Nous devrions être reconnaissants du caractère rigidement formel de la pratique du Zen et des préceptes Zen. Vous pouvez penser que ces préceptes sont inutiles si nous ne pouvons pas les observer parfaitement. Mais ils sont la trace des efforts humains fondés sur la grande compassion de Bouddha. La vie que nous avons maintenant est le résultat de cet effort inutile depuis les êtres monocellulaires jusqu’aux singes. Je ne sais pas combien mais nous avons perdu beaucoup de temps et beaucoup d’efforts avant d’arriver à cette vie humaine. Les séquoias géants de Muir Woods ont des anneaux annuels et nous avons aussi des anneaux annuels dans notre vie humaine, je pense. Ce sont les préceptes dans leur sens le plus large. Vous dites que nous n’en voulons pas mais nous les avons. Tant que vous les avez, vous devez vous asseoir et ainsi savoir comment continuer votre effort pour avoir un nouvel anneau annuel. De cette façon nous développerons le Bouddhisme de plus en plus éternellement.

Strictement parlant nous devrions avoir plus de préceptes en Amérique. Vous pensez que 250 préceptes pour les hommes et 500 pour les femmes est horrible et doit être simplifié. Mais je pense que vous devez ajouter quelques préceptes à ceux que nous avons au Japon. En fait je pense que vous avez plus de difficulté à pratiquer zazen en Amérique que nous au Japon. Ce type de difficulté doit continuer éternellement sans quoi nous n’aurons pas de paix dans notre monde. Sans les préceptes il ne peut pas avoir de vie agréable pour les êtres humains. En réfléchissant sur notre vie humaine et en respectant les préceptes et règles de l’humanité nous saurons la direction dans laquelle faire notre effort et aurons la bonne orientation dans notre vie. C’est ainsi que nous pratiquons le Zen et que le Bouddhisme s’est développé.